jeudi 24 novembre 2016
Des sociétés face à la crise, penser le changement politique dans tous ses espaces
Chapitre : Mobilité, territoires et villes intelligentes
Par : Université Jean Moulin Lyon 3, UCLY, Université de Montréal, UQÀM
Description
Etendre la descriptionLe contexte contemporain de la crise financière déclenchée en 2007 offre un terreau propice à la réflexion comparative sur les sociétés nord-américaines et européennes. Il ouvre la possibilité d’un dialogue fécond entre chercheurs, acteurs sociaux et décideurs politiques autour de ce nouvel horizon. La crise peut faciliter le changement et l’émergence de nouvelles formes de participation citoyennes et d’activités économiques. Elle peut aussi fragiliser davantage les espaces socio-économiques les plus vulnérables et amener à repenser les cadres de l’action, de la décision et de la réflexion. Ce projet de colloque a donc pour but de mettre en évidence l’impact de la crise, à travers ses opportunités et ses risques, sur les changements politiques au XXIème siècle. Cette lettre d’intention en présente le cadrage scientifique, les grandes questions autour desquelles se structurera l’événement, ainsi qu’une liste prévisionnelle d’intervenants.
CADRAGE SCIENTIFIQUE DU PROJET
La crise de 2007 prend racine dans un développement sans précédent d’activités financières risquées permises par des décisions politiques passées dont l’impact a largement dépassé le cadre des salles de marchés et des arènes de négociation politique. En effet, le ralentissement de l’activité économique a conduit à la diminution des recettes étatiques puis, par un effet de dominos, à la réduction des fonds alloués aux acteurs de la société civile dans les budgets étatiques, régionaux et provinciaux. Bien que les grandes banques européennes et nord-américaines aient joué un rôle central dans le déclenchement de cette crise, en raison de leurs activités risquées, elles ont été particulièrement protégées par la réponse des autorités décisionnelles à la déstabilisation des espaces sociaux, économiques, politiques et institutionnels. Elles ont ainsi retrouvé la profitabilité depuis 2010, sans que l’économie réelle ne bénéficie pour autant de cette nouvelle euphorie financière.
Ce paradoxe, qui marque l’écart entre le dynamisme financier et la stagnation de l’économie réelle, est devenu un enjeu social et politique de premier plan, comme le montre le succès de l’ouvrage de Thomas Piketty Le capital au XXIème siècle. Or, cet écart est aussi à l’origine de l’accroissement d’inégalités économiques, sociales et territoriales qui exacerbent le sentiment de l’injustice et de l’iniquité au sein des populations européennes et nord-américaines. Par l’entremise de votes contestataires, ces dernières expriment de fortes crispations face aux dynamiques de la mondialisation et un scepticisme accru envers les institutions politiques. Parallèlement, le fonctionnement de ces dernières se trouve affecté en raison du rééchelonnement des territoires économiques stratégiques aux niveaux infra- et supra-nationaux. Ces changements suggèrent la fragilisation des liens entre les citoyens et les institutions traditionnelles, ainsi qu’un changement de pratiques politiques.
Néanmoins, dans le même temps, le bouleversement des routines économiques et des parcours professionnels a aussi entraîné l’apparition de stratégies de résistance qui attestent d’un renouvellement de ces pratiques, sous une autre forme. Elles sont particulièrement visibles dans les villes, où les habitants doivent composer avec des problèmes socio-économiques nouveaux, qui se superposent, mais bénéficient aussi d’une plus grande visibilité politique. Face aux difficultés des États à assurer les mandats de protection sociale, civile et sanitaire des populations, certains groupes sociaux et citoyens (associations civiles, groupes religieux, etc) ont mis en place de réseaux solidaires novateurs pour pallier la fragilisation des plus vulnérables. Par exemple, la prise en charge du logement social, de la lutte contre la pauvreté, de la sécurité alimentaire et de la décision politique micro-locale témoignent de la résilience des citadins dans un contexte d’austérité.
LES GRANDES QUESTIONS ET LA STRUCTURE DU COLLOQUE
Le Québec et Rhône-Alpes constituent des observatoires privilégiés des liens entre les logiques financières à l’origine de la crise, le poids des systèmes de décision politique et les pratiques innovantes déployées dans les espaces urbains. Dans un cas comme dans l’autre, ces espaces infranationaux participent activement au développement économique nord-américain et européen, avec respectivement 19% et 9,7% du Produit Intérieur Brut national canadien et français. Par leur solide armature urbaine et leur rayonnement international, Québec et Rhône-Alpes sont profondément intégrés dans des logiques, des structures et des institutions allant du mondial au local, en passant par l’échelle régionale (Amérique du nord et Union Européenne). Enfin, l’innovation sociale et l’action associative constituent deux ressources centrales sur lesquels misent les deux territoires pour consolider le développement de l’activité économique, la consolidation du tissu social et le rayonnement culturel. Aussi le Québec et Rhône-Alpes constituent des cas représentatifs pour réfléchir aux conséquences de la crise actuelle en termes de connexions entre les niveaux de décision, les échelles auxquels se déploient les processus mentionnés ci-dessus et les acteurs politiques et institutionnels en jeu. L’exploration de l’impact de la crise sur nos sociétés se fera en privilégiant une analyse multi-niveaux.
Trois axes de réflexion sont privilégiés dans ce colloque : 1. Le nouvel âge des banques centrales 2. Les espaces urbains dans la crise. 3. La décision politique en temps de crise
Programme
9H00-9H15 MOT D’INTRODUCTION
Clément Fontan (PACTE/CNRS) et Marie-Noëlle Carré (UdeM)
9H30- 12H00 LE NOUVEL ÂGE DES BANQUES CENTRALES
Modération/animation : Christophe Bouillaud (PACTE/Science Po Grenoble)
Intervenants :
Jean-François Ponsot, Innovations monétaires face à la crise : le cas de la Banque centrale de l’Équateur (maître de conférences en économie, directeur du Centre de Recherche en Économie de Grenoble (CREG))
Adrien Faudot, La banque centrale à la lumière du shadow banking (doctorant en sciences économiques et ATER à l’université de Grenoble Alpes)
François Claveau, Les vertus épistémiques des banques centrales (professeur adjoint en philosophie, Université de Sherbrooke)
Jérôme Delorme, La Global Alliance for Banking on Values : une coalition de petites banques transparentes et durables (Crédit Coopératif)
Ce premier panel porte sur la réponse des banques centrales à la crise et le nouveau rôle qu’elles occupent dans leur fonction d’interface entre systèmes politiques et financiers. Ces questions seront abordées selon une multiplicité de points de vue incluant les réflexions épistémologiques des chercheurs travaillant sur les conséquences inattendues des politiques monétaires non-conventionnelles et sur l’expertise financière et les points de vue des acteurs essayant de développer des modèles financiers alternatifs et responsables.
· Quels sont les nouveaux enjeux des politiques monétaires non conventionnelles ?
· Comment se redéploye l’expertise scientifique des banques centrales?
· Comment les banques centrales ont développé leurs nouvelles missions de supervision financières?
· Assiste-t-on à une redéfinition du rôle des banques centrales comme interface entre systèmes financiers et politiques?
13H30-15H30 LES ESPACES URBAINS DANS LA CRISE
Modération/discussion : Marie-Noëlle Carré (Université de Montréal/Centre de Recherche et de Documentation des Amériques (CREDA))
Intervenants :
Danielle Zwarthoed, Penser le changement des habitudes de consommation (professeure en philosophie, Chaire Hoover, Université de Louvain la Neuve)
Marco Della Corte, Grenade : un groupement coopératif face la crise du travail (fondateur du Court-circuit et du Bieristan, prix de l’économie sociale et solidaire Le Monde-Crédit Coopératif 2014)
Danielle Laurin, les outils québécois de l’économie sociale et solidaire (ex-coordinatrice de l’association Vivre Saint-Michel en Santé (Montréal))
Violaine Jolivet, Droit à la ville et migration. Les Haïtiens à Montréal entre stigmate et reconnaissance, comment recréer un chez-soi? (professeure adjointe en géographie, Université de Montréal)
Les grandes agglomérations sont particulièrement représentatives de la diversité des changements liés à la crise. Elles concentrent les processus de rééchelonnement des pouvoirs qui se déroulent au profit des espaces infranationaux mondialisés. Hautement stratégiques, elles sont aussi plus largement exposées et vulnérables aux aléas politiques, économiques et financiers. Ce deuxième panel privilégiera la discussion entre des approches de terrain, qui conjuguent économie sociale et solidaire et valorisation des ressources territoriales locales.
• Quelles sont les stratégies de résistance individuelles et collectives développées en réponse à la crise ?
• Peut-on qualifier d’innovation sociale les structures qui naissent pour suppléer l’action déficiente de l’État ?
• Quels sont les enjeux normatifs qui sous-tendent la légitimation de ces initiatives décentralisées d’aide sociale ?
• Peut-on encourager l’éthique de la frugalité qu’adoptent certains citadins pour résister à la crise sans risquer de légitimer des pratiques développées en contexte de privation ?
15H30-16H00 PAUSE
16H00-17H00 LA DÉCISION POLITIQUE EN TEMPS DE CRISE
Un dialogue entre Sabine Saurugger (professeur de science politique, PACTE/CNRS/Sciences Po Grenoble) et Frédéric Mérand (professeur de science politique et de sociologie des relations internationales, Université de Montréal)
Les questions financières et de prise de décision politique seront d’abord analysées à partir de l’échelon régional européen et nord-américain. En effet, c’est à l’échelon supranational que les autorités politiques essayent dans un premier temps de trouver des solutions face aux pressions financières.
• Cependant, que sait-on de la prise de décision politique en temps de crise ?
• Assiste-t-on à une redistribution des pouvoirs entre les acteurs ?
• Quels en sont les bénéficiaires et quels sont les processus en jeu ?
• Le contexte d’incertitude a-t-il un impact plus large sur les idées économiques portées par les acteurs politiques ?
• Quels sont les liens entre décision en temps de crise et mouvements politiques contestataires ?
Les conférenciers aborderont les cas de la résolution de crise en Europe et des modalités de la décision fédérale au Canada pour apporter des éléments de réponse à ces questions et enrichir le débat. Les rapports entre États et zone euro, les tensions entre provinces et niveau fédéral pourront être mobilisées pour apporter un éclairage complémentaire à ces questions et favoriser l’échange d’expérience entre les participants. Cet axe se consacrera aussi à mieux comprendre si la crise occasionne un tournant dans le rapport qu’entretiennent les citoyens avec leurs institutions. Il aura également vocation à mieux définir la nature de ce tournant s’il existe.