Inclusion et santé au travail dans la restauration commerciale

Cette demi-journée vise à ouvrir un espace de réflexion franco-québécois sur la prise en compte de la santé au travail des salariés dans le secteur de la restauration commerciale. Ce secteur emploie majoritairement une main-d’œuvre juvénile et le plus souvent instable. Ses exigences en matière de flexibilité sont souvent telles qu’il s’avère difficile de s’y projeter durablement en bonne santé, sauf à évoluer, via la promotion ou la mise à son compte, vers des fonctions d’encadrement permettant d’échapper aux horaires dévorants et aux atteintes à la santé. Dans les faits, les contraintes du secteur sont à l’origine de tensions récurrentes. Elles alimentent d’importants taux de rotation de la main- d’œuvre ainsi que des difficultés récurrentes de recrutement et elles fragilisent les conditions de déroulement des carrières. Pour autant, si le secteur peine à fidéliser les jeunes issus de formations hôtelières, il tend simultanément à susciter des vocations auprès de nouveaux entrant-es, qui apprennent le métier sur le tas, voire nourrissent le rêve de l’exercer avec un statut d’indépendance.

La crise sanitaire a joué un rôle d’amplificateur de ces traits structurels, en France et au Québec. Elle a rendu problématiques un ensemble de modes de fonctionnement habituellement considérés comme légitimes : faiblesse des rémunérations, intensité du travail, exposition importante des salarié·es aux troubles musculo-squelettiques (TMS), irrégularité des rythmes et fortes exigences de « disponibilité temporelle » mettant en tension les différentes sphères de vie (travail-vie personnelle- vie familiale- études) et risques psychosociaux. Les enquêtes que nous avons menées en France et au Québec montrent que, dans ces deux contextes, la crise sanitaire a suscité, chez les travailleur·se·s de la restauration, des conflits de loyauté qui sont à l’origine de départs massifs. Elle a entraîné non seulement des remises en question précoces de leur engagement dans ce secteur, mais également de nouvelles initiatives entrepreneuriales, qui invitent à interroger les innovations dont elles sont porteuses. Se pose ainsi, pour ce secteur, la question des conditions de mise en place d’organisations plus inclusives et respectueuses des enjeux de santé au travail, dans une perspective de renforcement de son attractivité.

La conférence que nous proposons d’organiser dans le cadre des Entretiens Jacques Cartier vise à rendre compte de ces difficultés mais également de l’inventivité déployée pour les surmonter. De fait, la petite taille des entreprises de restauration et leurs possibilités souvent réduites d’évolution posent la question de l’innovation en matière de pratiques de gestion durable des salarié·es dans leur diversité et de la mise en place de politiques inclusives. Notre conférence, dans ses ateliers et table-ronde, vise à mettre en lumière les expériences réussies dans ce domaine en France et au Québec, afin de montrer comment peuvent être surmontés les obstacles généralement considérés comme structurels.

Mais l’objectif de cette conférence n’est pas seulement de partager les bonnes pratiques de gestion du personnel observées en France et au Québec. Il est également de rendre compte de la pluralité des, « mondes de la restauration » et par conséquent de la pluralité des modalités d’invention de modes de gestion respectueux de la santé des salarié·es. Son originalité tient au croisement des regards disciplinaires franco-québécois, puisque la conférence permettra de faire intervenir des sociologues (Sylvie Monchatre, Stéphane Moulin, Samantha Vila-Masse et Jiyoung KIM), psychologues (Alessia Negrini et Elsa Laneyrie) et ergonome (Déborah Gaudin). Cette rencontre permettra également de faire se rencontrer des chercheurs et des acteurs de la restauration, ainsi que deux organismes français et québécois spécialisés en santé au travail, l’ANACT (Agence Nationale sur l’amélioration des condition de travail) et l’IRSST (Institut de recherches Robert Sauvé en Santé et en sécurité au travail), afin que puissent se nouer des collaborations durables. Elle permettra également de renforcer et de poursuivre la collaboration engagée entre l’Université de Montréal et l’Université Lumière Lyon2 dans le cadre du projet de recherche « MEDISA », financé par la Région Auvergne-Rhône-Alpes (AURA), et elle sera suivie par une publication prévue pour la fin 2024.