mardi 22 novembre 2016

Les espaces de laïcité : le fait religieux dans l’entreprise

Chapitre : Mobilité, territoires et villes intelligentes

Par : Université Jean Moulin Lyon 3, UCLY, Université de Montréal, UQÀM

L’actualité récente a montré que les questions liées à la manifestation des convictions religieuses ne concernaient pas seulement l’espace public, mais pénétraient aussi à l’intérieur de l’entreprise. Pour résoudre les difficultés posées, le Québec et la France adoptent des démarches assez différentes.

En France, la laïcité est un principe constitutionnel, qui ne s’applique qu’à l’Etat, aux personnes publiques et aux personnes en charge d’un service public. Elle impose notamment une obligation de stricte neutralité religieuse. En principe, cette obligation de neutralité ne s’étend pas aux salariés du secteur privé qui n’exercent pas de mission de service public. C’est pour cela que l’article L1121-1 du Code du travail dispose que « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». Pourtant, ces dernières années de nombreuses entreprises privées se sont dotées de « chartes de la laïcité » ou de « chartes de la laïcité et de la diversité », qui interdisent aux salariés la manifestation de convictions religieuses et le port de signes religieux dans le cadre de leurs fonctions professionnelles ou qui encadrent ces pratiques. La mise en place de ces « chartes de la laïcité » soulève deux problématiques. D’une part, elle amène à s’interroger sur la portée et l’effectivité de la laïcité en droit privé ; d’autre part, elle soulève la question de la mise à disposition de certains droits et libertés fondamentales par les salariés au profit de leur employeur. Elles interrogent aussi sur la marge de manœuvre des dirigeants d’entreprise en la matière, sur les différents moyens légaux à leur disposition pour appréhender le fait religieux, et même sur les contours des entreprises de conviction philosophique dont l’existence a été reconnue en 2014 par la Cour de cassation dans l’affaire Babyloup. Il semble, à l’inverse, que des entreprises négocient discrètement des « arrangements » avec certains de leurs salariés, ou groupes de salariés, au risque de créer entre eux des inégalités.

Ces réflexions s’articulent avec les problématiques québécoises intervenues à la suite de la « crise » des accommodements raisonnables, qui a poussé la Commission BOUCHARD-TAYLOR à recommander l’adoption d’une « laïcité ouverte ». Sans aller jusqu’à cette recommandation, le Québec se pose aussi la question de la conciliation de la liberté religieuse et de la liberté de manifestation de ses convictions qui en découle, avec les exigences économiques ou commerciales et la nécessité de garantir l’existence d’un socle de valeurs communes entre salariés pour apaiser les éventuels conflits sur les lieux de travail, mais aussi pour favoriser la productivité.

Programme

PREMIÈRE PARTIE – LE FAIT RELIGIEUX DANS L’ENTREPRISE : REGARDS THÉORIQUES

Présidence : J. Costa-Lascoux

9h00 : Propos introductifs avec Hugues Fulchiron et Benoît Moore

Dès 9h30 : 

  • Quelle place pour la laïcité dans l’entreprise française ?
  • Acomoder la “singularité” religieuse en milieu de travail au Québec : enjeux éthiques et juridiques
  • Liberté de religion et contrats
  • La ligne de faille des débats sur la laïcité au Québec : la portée du devoir de neutralité religieuse des agents de l’état
  • Débats, animés par Hugues Fulchiron

12h30 – 14h00 : Déjeuner

DEUXIÈME PARTIE : LE FAIT RELIGIEUX DANS L’ENTREPRISE, EXPÉRIENCES ET PRATIQUES

1 – Règles légales et pratiques judiciaires en France et au Québec

Présidence : M. Plet

Dès 14h :

  • La manifestation des convictions religieuses dans l’entreprise française
  • L’art du compromis : pratiques judiciaires et extrajudiciaires d’accommodements religieux en entreprises au Québec.
  • La fin des incertitudes ? retour sur la jurisprudence française concernant le port de signes religieux par le salarié.
  • La stricte neutralité dans le cadre d’un service public
  • La limitation exceptionnelle en fonction du destinataire de l’activité
  • Le client roi ? Le cas du salarié en contact avec la clientèle au regard du droit de l’Union Européenne 

 

2 – La pratique dans les entreprises française et québécoise : chartes de la laïcité V. accommodements raisonnables ?

16h00 – 17h30 : Table-ronde, construite et animée par M. Younes et Monik Bastien

17h30 – 18h00 : Conclusions : “L’apport d’une gouvernance réflexive des responsabilités engagées par la religion et la laïcité en milieu d’entreprise”