lundi 9 octobre 2023

Invisibilité de la santé au travail dans le secteur public, une comparaison France-Québec

Chapitre : Santé et sciences de la vie

Par : Sciences Po Grenoble / UGA, Université McGill

Amphithéâtre de la MSH Alpes, Campus de Grenoble

L’exposition des agents relevant de la fonction publique d’État (et/ou des administrations publiques selon les contextes nationaux) aux matériaux toxiques constitue un impensé pour la recherche en sciences sociales comme en santé publique. Cette lacune de connaissances est particulièrement notable au regard de l’ampleur des travaux réalisés sur les enjeux de santé au travail depuis plus de deux décennies en France comme au Québec, dont la grande majorité étudie prioritairement ces enjeux pour les entreprises du secteur privé. A contrario, les professionnels de santé (médecins, acteurs de la prévention, etc.) et des associations de victimes de maladies professionnelles alertent régulièrement sur ces autres victimes de l’amiante que sont les travailleurs exposés dans le cadre d’un travail mené dans des bâtiments publics. Ces phénomènes interrogent la possibilité d’engager des transitions, socialement justes et écologiquement viables, en dépit de l’héritage toxique dont recèlent de nombreux bâtiments publics.

Ce projet vise à réunir des chercheurs en sciences sociales et en santé publique, des professionnels de santé et des représentants d’associations de victimes des maladies de l’amiante, en France comme au Québec. L’organisation de cet événement doit permettre de comprendre les facteurs d’invisibilité du risque amiante dans les administrations publiques dans les deux pays, mais aussi d’interroger les conditions dans lesquelles des cultures de prévention ont permis de rendre visible et de réduire les risques d’exposition aux toxiques dans des édifices publics.

Alors que l’amiante semblait constituer un « matériau du passé » depuis l’interdiction de son usage en France (1997) et au Canada (2018), il s’est de nouveau immiscé dans les débats politiques et économiques au cours des dernières années. En septembre 2022, la Commission européenne a annoncé sa volonté de réviser sa directive sur l’exposition des travailleurs à l’amiante, ainsi que sa politique concernant le désamiantage des plus de 220 millions de bâtiments amiantés à travers les Etats membres. En France, une circulaire de juillet 2015 avait établi les conditions de reconnaissance du risque amiante pour les trois fonctions publiques, dont les critères sont depuis l’objet de négociations paritaires et de mobilisations collectives de fonctionnaires. Ces enjeux sont le cœur d’un programme de recherche mené par une équipe pluridisciplinaire, basée en Rhône-Alpes (projet ANR AmiEtat1, associant des sociologues, politistes, un chimiste et un historien qui est le co-porteur du présent projet), qui portera le versant français de l’organisation de cet événement. Quant au Québec, le minerai a constitué un puissant symbole politique et économique dans le discours de l’Etat québécois et de nombreuses organisations de la société civile jusqu’au début des années 2010, voire jusqu’à nos jours. Toutefois, l’extraction a cessé depuis une décennie. Des mobilisations issues de la société civile tendent à mettre en visibilité certaines pathologies qui affectent des personnes exposées à l’amiante dans le cadre de leur travail dans des administrations publiques. En 2020, une consultation publique du Bureau québécois des audiences publiques en environnement (BAPE) a permis de remettre l’exposition à l’amiante à l’agenda public, en s’intéressant au risque amiante issus notamment des résidus miniers. Depuis, la norme d’exposition à l’amiante au travail a été revue à la baisse. Ces contextes rendent possible l’émergence de recherches sur l’histoire et les politiques de l’amiante, à commencer par une thèse doctorale en cours de réalisation, portant sur les luttes entourant la visibilité des risques de santé au travail avec une attention particulière au cas de l’amiante (thèse en cours par le co-porteur du présent projet). Plusieurs recherches sont également en cours de préparation sur les enjeux de santé au travail dans les administrations publiques québécoises (au sein de l’Université du Québec à Trois-Rivières), ainsi que sur les enjeux sociaux et environnementaux de la désindustrialisation des anciennes villes de l’amiante (à l’université Concordia).

Malgré le renouveau des recherches sur les enjeux sanitaires et écologiques de l’amiante, aucun espace de dialogue stable n’a encore été proposé entre les chercheurs et professionnels de santé des deux pays. L’organisation des Entretiens Jacques Cartier doit ainsi permettre de constituer un réseau franco- québécois autour des enjeux de reconnaissance du risque amiante dans les administrations publiques. La réalisation de ces Entretiens permettra d’engager des collaborations pérennes.

Programme

  • 9h : Ouverture des Entretiens

    • Renaud Bécot, Maître de conférences en histoire contemporaine, Sciences Po Grenoble – UGA
    • Gabriel Lévesque, Doctorant en sociologie et Tomlinson Doctoral Fellow, Université McGill (Montréal)
  • 9h15-11h15 : Rendre visibles et faire reconnaître les risques de l’amiante

    • Emmanuel Henry, Université Paris Dauphine – PSL, Irisso
  • “La prise en charge des maladies professionnelles dues à l’amiante au Québec : quelle histoire et quels enjeux ?”

    • Jean-Paul Dautel, Professeur en santé et sécurité au travail, Département de relations industrielles, Université du Québec en Outaouais, Université du Québec en Outaouais (UQO)
  • « L’amiante chrysotile est pratiquement sans danger lorsque bien utilisé ». Quand des intérêts convergent vers la langue de bois”

    • Micheline Marier, Ergonome conseillère en santé au travail, Université du Québec à Montréal (UQAM)
  • “La toxicité par-delà le travail industriel. Circulation transnationale de l’expertise sur l’amiante dans les administrations publiques, 1975 – années 1990”

    • Renaud Bécot, Maître de conférences en histoire contemporaine, Sciences Po Grenoble – UGA
    • Anne Marchand, Chargée de recherche en sociologie et en histoire, chercheure associée, IRIS et co-directrice de Giscop93 (Seine-Saint-Denis)
  • “Savoirs experts et savoirs profanes : esquisse d’une approche par les ressources épistémiques”

    • Gabriel Lévesque, Doctorant en sociologie et Tomlinson Doctoral Fellow, Université McGill (Montréal)
  • 11h30 -13h : La compensation en pratique : les organisations de victimes et leurs alliances

    • Gabriel Lévesque, Doctorant en sociologie et Tomlinson Doctoral Fellow, Université McGill (Montréal)
    • Linda Tardif, Membre, Association des victimes de l’amiante du Québec
    • Jean-Pierre Archambault, Membre, Association des victimes de l’amiante du Québec
    • Laurent Vogel, Chercheur associé en santé au travail, Institut syndical européen (ETUI)
    • Francis Judas, Coordinateur associatif, Association Henri Pézerat & Amiantés du Tripode
    • Yvon Kerhervé, Syndicaliste et Coordinateur associatif, Amiantés du Tripode (Nantes)
  • 14h-15h15 : Risque amiante et administrations publiques : perspectives comparées

    • Séverine Louvel, Sciences Po Grenoble, Pacte
  • “Études, classification et gestion du risque amiante dans les administrations publiques. Le cas québécois, 1970-2023”

    • Stéphanie Fardeau, Étudiante à la maîtrise en histoire, Département d’histoire, Université du Québec à Trois- Rivières
  • “Une prévention sans moyens : les médecins face au risque amiante dans la fonction publique d’Etat”

    • Gabrielle Lecomte-Ménahès, Sociologue, post-doctorante, IEP de Grenoble / Projet AmiEtat
    • Benoît Bacher, Étudiant en master de recherche en sociologie, Sciences Po Paris
  • 15h30-17h : Rendre visible et faire preuve ? Le rôle des experts dans la construction de savoirs de santé

    • Arzhelenn Le Diguerher, Université Sorbonne Paris Nord & Université d’Ottawa
    • Norman King, Épidémiologiste, conseiller scientifique et témoin-expert, Association des victimes de l’amiante du Québec
    • Vincent Mandinaud, Chargé d’études, ANACT
    • Gwenola Le Naour, Maître de conférences-HDR en science politique, Sciences Po Lyon
    • Michel Héry, Ingénieur-chimiste, spécialiste de la prévention des risques professionnels, France

Intervenants

Renaud Bécot

Maître de conférences en histoire contemporaine

Sciences Po Grenoble - UGA

Gabriel Lévesque

Doctorant en sociologie et Tomlinson Doctoral Fellow

Université McGill (Montréal)

Emmanuel Henry

Université Paris Dauphine - PSL, Irisso

Jean-Paul Dautel

Professeur en santé et sécurité au travail, Département de relations industrielles, Université du Québec en Outaouais

Université du Québec en Outaouais (UQO)

Micheline Marier

Ergonome conseillère en santé au travail

Université du Québec à Montréal (UQAM)

Anne Marchand

Chargée de recherche en sociologie et en histoire, chercheure associée

IRIS et co-directrice de Giscop93 (Seine-Saint-Denis)

Linda Tardif

Membre

Association des victimes de l’amiante du Québec

Jean-Pierre Archambault

Membre

Association des victimes de l’amiante du Québec

Laurent Vogel

Chercheur associé en santé au travail

Institut syndical européen (ETUI)

Francis Judas

Coordinateur associatif

Association Henri Pézerat & Amiantés du Tripode

Yvon Kerhervé

Syndicaliste et Coordinateur associatif

Amiantés du Tripode (Nantes)

Séverine Louvel

Sciences Po Grenoble, Pacte

Stéphanie Fardeau

Étudiante à la maîtrise en histoire

Département d’histoire, Université du Québec à Trois- Rivières

Gabrielle Lecomte-Ménahès

Sociologue, post-doctorante

IEP de Grenoble / Projet AmiEtat

Benoît Bacher

Étudiant en master de recherche en sociologie

Sciences Po Paris

Arzhelenn Le Diguerher

Université Sorbonne Paris Nord & Université d'Ottawa

Norman King

Épidémiologiste, conseiller scientifique et témoin-expert

Association des victimes de l’amiante du Québec

Vincent Mandinaud

Chargé d’études

ANACT

Gwenola Le Naour

Maître de conférences-HDR en science politique

Sciences Po Lyon

Michel Héry

Ingénieur-chimiste, spécialiste de la prévention des risques professionnels

France